Étudiants étrangers : pourquoi les faire payer plus

La France attire chaque année toujours plus d'étudiants internationaux dans ses établissements. Mais pour combien de temps ? Afin qu'elle reste dans la course, France Stratégie propose, dans un rapport publié le 27 janvier 2015, d'instaurer des frais de scolarité plus élevés pour les étudiants étrangers extracommunautaires.

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La France attire chaque année toujours plus d’étudiants internationaux dans ses établissements. Mais pour combien de temps ? Afin qu’elle reste dans la course, France Stratégie propose, dans un rapport publié le 27 janvier 2015, d’instaurer des frais de scolarité plus élevés pour les étudiants étrangers extracommunautaires.

Quentin Delpech, l’un des auteurs, explique cet apparent paradoxe.

Quelles sont les perspectives en matière d’accueil des étudiants étrangers, en France notamment ?

Le nombre d’étudiants en mobilité explose. S’ils sont 4 millions aujourd’hui, ils pourraient être plus de 7,5 millions à travers le monde en 2025. La croissance de la mobilité vers les destinations traditionnelles d’accueil (Amérique du Nord, Europe notamment) devrait se poursuivre mais à un rythme plus lent que sur la décennie 2000, notamment sous l’effet de la concurrence accrue des pays émergents et de la régionalisation de l’offre, portée par la demande en Asie. La France restera une destination privilégiée, même s’il est probable qu’elle continue de perdre des parts de marché.

Comment contrer ce potentiel ralentissement de la mobilité entrante en France ?

Il faut investir pour être plus attractif et améliorer la qualité de l’offre. Ainsi, nous privilégions dans notre rapport, un scénario « à la nordique » de différenciation de la tarification pour les étudiants communautaires et pour les autres. À savoir le paiement de frais de scolarité au coût complet pour les étudiants extracommunautaires, en excluant le niveau doctorat. Avec cette réforme, les nouvelles ressources s’élèveraient à environ 850 millions d’euros par an d’ici à cinq ans.

Ces ressources supplémentaires ne devront pas servir à baisser les crédits publics, comme cela a été le cas en Suède ou au Royaume-Uni, mais elles seront réinvesties à travers la création de bourses. Le développement plus important d’un tel système d’aides sociales (30.000 de plus) permettrait de réorienter de façon prioritaire les exemptions vers les étudiants de l’espace francophone, notamment l’Afrique. Il faut rappeler que la France accueille une proportion très importante d’étudiants d’origine africaine (42,8% des étudiants étrangers accueillis en 2011). Sur le long terme, cette spécificité française recèle un immense potentiel de croissance au regard des perspectives de développement du continent africain.

Avec cette hausse des frais d’inscription, n’y a-t-il pas un risque de voir les étudiants se détourner de la France, au moins dans un premier temps ?

C’est une conséquence inévitable : lorsque la Suède a appliqué cette réforme, elle a perdu 70% de ses flux entrants d’étudiants extracommunautaires. Le Royaume-Uni a mis dix ans à retrouver le même niveau d’effectifs d’étudiants étrangers après la mise en place de la réforme dans les années 1980. En France, on peut quantifier cette baisse potentielle autour de 40%.

On peut certes continuer à accueillir des étudiants payant des frais de scolarité très peu élevés et avoir pour ambition une augmentation quantitative du nombre d’étudiants étrangers. Cela apporte des bénéfices mais cela a aussi un coût : environ 11.100 euros par an et par étudiant. Soit 3 milliards d’euros pour un doublement des effectifs. Ce qui représente 11,5% du budget de la Mission interministérielle enseignement supérieur et recherche en 2014. Difficile pour le gouvernement français d’assumer une telle hausse.

Les nouvelles bourses, associées à une amélioration de l’accueil des étudiants étrangers et à une exportation plus forte des formations à l’étranger, sont les clés pour que la France reste attractive.

Plus de 270.000 étudiants étrangers en France
Selon les chiffres de l’Unesco, la France est le troisième pays d’accueil des étudiants internationaux en 2012, avec 271.000 étudiants reçus. Elle capte ainsi 6,8% des étudiants en mobilité à travers le monde, derrière les États-Unis (18,5%) et le Royaume-Uni (10,7%).